• Pédagogie des temps faibles - comment mieux gérer le temps de l'accueil et les temps d'autonomie

    Dans le cadre de la semaine de la maternelle, nous nous sommes rendues à la conférence de Raphaëlle Raab avec ma copine Elisabeth.

    Organiser, gérer sa classe

    Raphaëlle Raab a enseigné quelques années dans le premier degré avant d'obtenir un détachement pour effectuer un doctorat en Sciences de l'Education. Elle nous a présenté les enseignement qu'elle a retirés de sa thèse, soutenue l'été dernier : la pédagogie des temps faibles, ou comment mieux organiser le moment de l'accueil et les autres temps de travail en autonomie pour en faire des moments riches en apprentissage de l'autonomie (entre autre), histoire d'essayer de gommer un peu plus les inégalités entre les enfants... Son travail s'appuie sur une observation en maternelle mais peut être utile aussi pour l'élémentaire

    Voici mes notes agrémentées des ressources qu'elle a mises à notre disposition :

    La pédagogie des temps faibles :

    une autre manière de penser les temps d’autonomie en classe.

    Etude menée en grande section de maternelle par Raphaëlle Raab, Université Lumière Lyon 2

     

    1ère partie : Construction théorique et pratique de l’expérimentation

    1 - Qu’est-ce que l’autonomie scolaire ?

    Le formateur, l’enseignant ne peut être disponible tout le temps, des temps dit d’autonomie sont inévitables.

    Temps faibles = temps où l’enseignant n’est pas disponible ou ne se rend pas disponible volontairement.

    Autonomie = capacité permettant à l’élève de mener des tâches favorisant les apprentissages. Il faut qu’il sache mobiliser des ressources autres que le maitre.

    Lors du processus d’autonomisation, l’élève va prendre en compte les contraintes et ressources de son environnement pour se les approprier.

     

    2 – La situation d’autonomie scolaire : une situation d’apprentissage ?

    Lors d’une situation d’apprentissage, il doit y avoir un obstacle à franchir.

     

    3 – Le double obstacle d’une situation d’autonomie scolaire :

    L’obstacle peut être didactique (l’élève ne sait pas faire)

                                   et pédagogique (l’élève ne fait pas car il a peur de l’échec / s’occupe de ce que font les autres / etc.)

    Certains élèves peuvent se trouver empêchés de se confronter à l’obstacle didactique alors qu’ils pourraient faire le travail avec des conditions plus adaptées pour eux. Les obstacles didactiques sont seconds (mais pas secondaires) la plupart du temps et les obstacles pédagogiques plus prégnants.

     

    4 – L’observation des classes : ce qu’on y voit et ce qu’on y apprend

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     5 – Trois ensembles de résultats issus du 1er volet de l’étude 

    5.1 – La taxonomie des comportements d’élèves en situation d’autonomie scolaire

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    5.2 – les conditions favorables à l’autonomisation scolaire

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    5.3 – Quatre critères d’autonomisation

    4 critères d’autonomie scolaire (non hiérarchisés) pour vérifier si un élève est entré dans le processus d’autonomisation :

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    6 – Modèles théoriques

    6.1 – Le système temps faibles / temps forts

    Le relâchement du temps pédagogique peut s’accompagner d’un relâchement psychique. A quelles conditions les temps de relâchement pédagogiques peuvent devenir des temps riches psychiquement ?

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    Ce modèle met à jour deux éléments importants :

    • ŸFaut-il empêcher les temps pauvres, les éviter ? Il est impossible et dangereux d’attendre d’un élèves qu’il soit en constante attention mentale, des temps pédagogiques pauvres sont nécessaires pour permettre un retour à l’équilibre.
    • Si l’évitement empêche l’élève d’entrer dans les apprentissages, on n’est plus dans l’autonomie scolaire. Il faut fournir un espace de flexibilité : l’enseignant n’est qu’un élément du système, il ne doit pas toujours être au centre sinon il s’épuise et épuise les élèves. Il faut de la souplesse sans lâcher sur les exigences : on essaye de mener l’élève au-delà de ce qui le pousse à résister.

    Ÿ Passage cadre 3 à 4 : l’élève sait / veut / peut se mettre en activité psychique de son propre chef.

     

    6.2 – Mettre au travail la théorie des fonctions psychiques supérieures de Vygotsky

    On cherche la transformation de processus inter-personnels en intra-personnels : comment le processus porté par le maitre peut être approprié par l’élève pour devenir un projet de l’élève pour lui-même ?

    Pédagogie des temps faibles - comment mieux gérer le temps de l'accueil et les temps d'autonomie

    3) On peut agir sur soi-même en développant des outils qui nous sont propres : moyens mnémotechniques, listes, etc.

    Dans la classe : l’élève s’approprie les instruments, les intériorise pour agir sur ses propres mécanismes psychiques, c’est l’auto-nomie (du grec autos : soi-même et nomos : loi, règle).

    Il y a un chainon manquant dans la théorie de la zone proximale de développement entre le moment avec le maitre et le moment où l’élève est seul. Les temps faibles sont un espace possible du désétayage.

     

    2ème partie : Le dispositif et les outils

    Intro : la construction du dispositif

    Les outils apportent une sécurité affective et permettent de développer des capacités pratiques et organisationnelles.  Les interactions humaines ont une grande importance dans le dispositif. Le maitre a le souci d’articuler et de penser ensemble la socialisation et l’émancipation (l’élève qui s’est émancipé va pouvoir détourner des consignes, s’en ajouter)

    Lors des temps d’accueil, souvent beaucoup d’élèves vont aux mêmes tables. Il peut y avoir des tensions au niveau du matériel, de la place -> les élèves se surveillent, dépêchent (ils ne sont pas toujours certains de pouvoir terminer une activité) ou papillonnent, passent par tous les ateliers sans rien terminer.

    Des temps faibles non organisés creusent les écarts entre élèves ayant construit une autonomie hors l’école et les autres. Il faut investir pédagogiquement les temps faible pour construire une autonomie à tous les élèves.

    Il est possible de réaliser simplement différents matériels pour structurer les activités des temps faibles.

     

    1 – Le tableau des ateliers d’accueil

    Autant de lignes que de jours d’école et une colonne par îlot d’activités (prévoir au moins 2 activités par îlot) - si possible prévoir un ou deux îlots de plus que de jours d’école afin de laisser un vrai choix aux enfants.

    En arrivant, les enfants s’inscrivent dans un îlot et doivent y rester tout le temps de l’accueil. Les jours suivants, ils doivent s’inscrire dans un îlot qui n’a pas encore été choisi cette semaine. Les activités proposées sont les mêmes chaque semaine de la période, une régularité des temps faibles est nécessaire pour que l’enfant puisse être acteur de son autonomisation.

    Il a fallu 1 à 2 semaines aux élèves de GS pour s’approprier le tableau. La première semaine, les inscriptions se faisaient en classe entière la veille.  Petit à petit les enfants entrent en classe avec un projet d’activité, l’enseignant ne joue plus qu’un rôle d’aide de régulateur.

    Résultats observés : le tableau permet et objective la distribution des places : elles sont visibles et vérifiables par tous. La place d’un élève ne peut pas lui être discutée et il s’autorise à la prendre.

    L’élève peut se donner du temps, il peut échapper au temps des autres (panique car les autres vont plus vite – attendre les élèves les plus lents).

    Le tableau conduit à un « usage pour soi » du dispositif, les élèves les plus autonomes peuvent élaborer un projet en plusieurs étapes (dessin continué sur plusieurs ou différents ateliers).

     

    2 – Le post-atelier régulé par feuilles de routes

    Il y a une feuille de route par jeu proposé lors des temps faibles. Les différentes activités de la feuille de route sont classées par difficulté (ex une, deux, trois étoiles, étoile filante) : cela donne aux élèves la possibilité de rencontrer des obstacles adaptés à leurs possibilités du moment (beaucoup de temps devant moi / fatigue et besoin d’une activité plus simple). La progression dans la feuille de route n’est pas imposée, la seule contrainte est que la feuille devra être terminée entièrement.

    Dans une situation didactique, les élèves doivent converger vers l’obstacle didactique. Sur un temps d’autonomie  -> on peut prévoir l’obstacle que l’élève rencontrera parmi les multiples obstacles possibles.

    On vise que la différenciation soit prise ne charge par l’élève lui-même : il choisit son niveau de difficulté (activité difficile ou facile aujourd’hui sur une feuille de route).

    L’indication du niveau de difficulté permet de soutenir l’assurance et la réassurance : un enfant peut faire un facile avant d’en faire un difficile ; choisir une difficulté moyenne pour être sûr d’y arriver. La feuille de route est un instrument psychologique pour se lancer des défis raisonnables.

    Si feuille de route trop courte, il voudra la finir le plus vite possible, ne s’organisera pas. Au contraire, s’il y a trop d’items, cela peut paniquer des enfants. Le travail leur paraitra interminable, ils ne se lanceront pas. Des fiches de 15 à 20 items ont semblé fonctionner de manière optimale lors de l’expérimentation.

    Il est utile de présenter les fiches avec toujours la même mise en page pour ne pas perturber les enfants en difficultés.

    Nombre de feuilles de route en circulation : 5-6 en même temps, s’il y en a trop les élèves ont du mal à faire un choix. On va penser une progression sur l’année pour les activités proposées lors des temps faibles (notamment pour des activités similaires).

    Lors de ces choix, on peut également penser à diversifier les activités en fonction du fait qu’elles nécessitent ou non une validation immédiate.

    L’utilisation des feuilles de route se fait sur des temps faibles ritualisés, limités (s’il y en a trop ou s’ils sont trop longs, les enfants sont moins motivés) – qui ne remplacent pas les temps dirigés. S’ils ont terminé leur travail en avance, les enfants peuvent prendre plaisir à gagner du temps de travail avec les feuilles de route.

    Rôle de l’enseignant : il n’est pas au centre mais doit être là pour valider, pour observer (celui qui est en difficulté / qui valide 10 items,..), pour étayer, etc.

    Pour les jeux de construction ou les jeux peu connus des enfants : faire une fois en atelier dirigé avant.

    Méthode pour que les jeux de construction ne prennent pas trop de place et qu’il n’y ait pas bagarre pour le matériel : avec une barquette, aller chercher juste le matériel dont on a besoin dans la caisse qui est rangée (fiches activité comportant la description du matériel nécessaires)

    Résultats observés : Lorsqu’il réalise un travail à plusieurs niveaux de savoir-faire, l’élève gagne une prise sur son temps, sur lui-même et sur l’affect.

    Les élèves sont repérés, ne sont pas évalués, tous les élèves observés sont allés vers des choses qu’ils ne savaient pas faire.

    Les fiches leur permettent de se repérer, percevoir où ils en sont dans leur travail, elles soutiennent le défi personnel et la persévérance.

     

    3 – Les interactions entre pairs : exemple de l’imitation

    Il faut différencier l’imitation mécanique : élève dans une stratégie d’évitement, il imite le résultat sans que ça ne lui

    apporte une meilleur compréhension de l’exercice.

    de l’imitation intelligente qui est une imitation des démarches.

     

    4 -  Les retours sur ateliers (« bilans »)

    A la fin  de l’atelier, on va amener la conversation sur les caractéristiques de l’activité : quelles difficultés ? pourquoi ? comment les surpasser ?

    Les retours sur atelier rendent intéressant les difficultés et les trouvailles, les enfants n’ont plus peur / honte de les exprimer et cela devient de supports didactiques -> un problème exprimé par un élève débouche sur une réflexion commune sur la manière de faire sans se tromper (dédramatise l’échec).

    La régularité et la circularité des ateliers fait que l’enfant se saisit mieux des choses expliquées, les réutilise intentionnellement :

    Pédagogie des temps faibles - comment mieux gérer le temps de l'accueil et les temps d'autonomie

     

    Conclusion : Tous les élèves ont avancé dès lors qu’ils se sont trouvés protégés dans leur estime de soi.

    3 grands paramètres non hiérarchisés dans le temps :

    • paramètre de projection (vision temporelle – fractionner l’activité pour pouvoir y revenir en action et en pensée – prévoir) qui soutient l’engagement et la persévérance.
    • paramètre de stabilisation
    • paramètre de progression : anticiper et ressentir le plaisir d’éprouver ses connaissances, se donner des défis atteignables

    Ces paramètres trouvent un écho dans les travaux sur la motivation (Les indicateurs de la motivation R Vian 2004/2007)

    Instituer les temps faibles, les organiser, permet de former les perceptions de l’élève et lui donnent envie d’apprendre et de s’autonomiser.

     

    ici, sa thèse pour ceux qui en veulent beaucoup plus (elle conseille le dernier chapitre qui fait tout de même près de 200 pages mais qui comporte beaucoup de photos...)

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  • Commentaires

    1
    Dimanche 6 Mars 2016 à 16:09

    Merci pour ce partage !

    2
    Dimanche 6 Mars 2016 à 16:50

    De rien, c'était si intéressant que je ne pouvais pas garder ça pour moi ! ^^

      • Dimanche 6 Mars 2016 à 17:01

        Ça c'est certain !

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