• Je me suis sauvée...

    ... au sens propre comme au figuré.

    Un article commencé il y a presque deux ans.... mal enregistré puis mis de côté... Il fallait probablement que ça mature.... Je viens vous donner des nouvelles après avoir été absente un long moment sur le blog...

     

    J'aime profondément ce métier d'enseignante que j'ai exercé avec passion pendant 15 ans mais le prix à payer était devenu trop cher. Si je suis honnête avec moi, il l'est depuis longtemps (le début ?) mais il faut le temps d'accepter l'idée et que ce soit le bon moment, en prenant en compte les autres paramètres de la vie...

    Il y a de moi : je suis une passionnée, qui ne sait pas faire autrement que faire les choses parfaitement ; mon ego peut-être aussi, persuadée de faire un métier magnifique, important, qui peut avoir une véritable influence sur la vie des enfants ; mes valeurs, très ancrées et de plus en plus précises, tant de fois piétinées... ; moi qui n'arrive pas à lâcher, à me fixer des limites et qui a, pendant de trop nombreuses années, priorisé ce métier sur ma vie personnelle, amicale et familiale....

    Et plus il y a elle : cette institution cynique et maltraitante. Qui te confie la sécurité physique et affective de 20 à 30 enfants, mais qui t'infantilise et te maltraite. Qui ne te forme pas correctement et qui essaye de te faire croire que tout est de ta faute, que tu ne travailles jamais assez. Selon le coin où tu vis, tu vas mettre la moitié de ta carrière avant d'avoir un poste fixe. On te demande toujours plus de missions, le salaire ne suit pas vraiment, et on te fait croire que tu ne connais rien au travail parce que tu es prof... 

     

    Alors, il y a deux ans, face à plusieurs constats :

    • je n'en pouvais plus de l'établissement médico-social où je travaillais, les décisions prises par la direction ont petit à petit fait que notre (à tout le personnel) travail auprès des jeunes handicapés, pourtant déjà complexe, était vidé de sa substance et que l’atmosphère devenait semblable à celle d'une cocotte minute...
    • oui, mais aller où ? retourner dans l'ordinaire ? peu pensable pour moi. Et puis de toute façon, mes 15 ans d'ancienneté ne me permettraient que d'aller faire des remplacements ou des compléments de temps partiel et probablement loin de chez moi... L'ULIS, vraiment pas envie, la SEGPA ? aller en collège ça me faisait un peu peur j'avoue...
    • et surtout, javais (à nouveau) mis un pied (ou p'têtre les deux cette fois) dans le burn-out...
    • Élisa allait entrer à l'école l'année scolaire suivante. Vu la détresse de certains enfants de PS au moment de la cantine, je me suis promis il y a des années que je me donnerai les moyens de prendre une nounou l'aprem pour mes enfants. En l’occurrence, connaissant ma fille, en effet une scolarisation en journée complète aurait été compliqué...

     

    Donc voilà, épuisée, vidée de toute énergie et de toute illusion sur ma possibilité de pouvoir travailler en mettant en œuvre les valeurs pédagogiques et éducatives que j'ai cultivées petit à petit et de m'épanouir au sein de l'Éducation Nationale, j'ai dit stop et je me suis choisie.

    J'ai calculé qu'entre mon salaire à 75% pour quand même 4 j de présence à l'IME + les frais de crèche que nous payions, on était à peine au SMIC, alors pas vraiment de risque financier... Pour des raisons écologiques, nous avions depuis plusieurs années fait le choix de déconsommer petit à petit, l'achat d'une maison que nous rénovons nous-mêmes en grande partie, couplé au fait de devenir parents avaient déjà modifié notre mode de vie et nos revenus une première fois.

    J'ai accepté l'idée que je ne pouvais pas être à la fois l'instit que je souhaitais être, la maman que je souhaitais être et continuer de développer un mode de vie plus sain et écologique, ce qui demande soit beaucoup de temps soit beaucoup d'argent ! J'ai eu peur dans un premier temps de devenir économiquement dépendante de mon conjoint, ce n'est pas très féministe ça, ma bonne dame... Et en fait si ! Je crois qu'être féministe c'est aussi refuser d'entrer dans le jeu de ces injonctions très paradoxales et incompatibles que fait porter la société sur les femmes. Alors, avec le soutien de mon conjoint, j'ai choisi de travailler pour notre famille et j'ai crée les conditions de travail qui profiteraient à tous, et y compris à moi car j'en avais vraiment besoin.

    J'ai demandé une disponibilité de droit pour élever un enfant de moins de 12 ans et une rupture conventionnelle qu'on m'a refusée...

    J'ai demandé un agrément d'assistante maternelle auprès de la PMI.

     

    Je me suis sauvée...

    Pour la deuxième année scolaire, j'accueille à mon domicile des enfants sur les temps périscolaires. Je travaille maintenant sur des horaires  complètement à contrecourant de ma vie de maitresse mais tout le monde y trouve son compte : mon conjoint qui travaille loin n'a plus la pression des horaires pour Élisa, etc - notre fille rentre manger à la maison, n'est pas allée à l'école l'après-midi en PS, elle fréquente des enfants de son âge ou plus grands à la maison - moi j'ai du temps pendant que les enfants sont à l'école : pour continuer à faire avec mes mains (travaux, jardin, couture), pour m'investir dans les projets qui me tiennent à cœur (#bénévolat) et j'essaie aussi pour moi, pour continuer à composer avec cette inconnue qui a passé trop d'années en mode automatique...

    Parfois la situation me convient parfaitement, parfois j'en ressens un peu plus intensément les limites. Enseigner me manque très clairement mais je n'ai aucune envie de retourner à l'Éducation Nationale : les débuts chaotiques de la scolarité de ma fille restent une plaie béante pour moi et la vie politique continue de me conforter dans cette décision.

    J'ai plusieurs pistes en tête pour mon avenir professionnel, je me laisse le temps de cheminer encore pour décider et voir ce que l'avenir me / nous réserve. Je sors doucement du mode automatique et j'essaye d'aligner petit à petit ma vie avec qui je suis...

    Concernant le blog, j'ai bien l'intention de reprendre un peu de temps pour continuer à le faire vivre : j'ai en stock encore tellement de ressources pour l'école qui me semblent mériter d'être partagées et puis j'ai de nouvelles créations et compétences approfondies que j'ai toujours envie de venir faire vivre par ici ! ^^

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  • Commentaires

    1
    Missdine
    Mercredi 21 Février à 18:06

    Bonjour. Je suis tombée sur votre blog par hasard en faisant des recherches en lien avec un projet sur le tour du monde. Votre post me touche énormément car cela fait totalement écho en moi. J'admire votre courage pour cette prise de décision que je n'arrive pas encore à prendre en dépit de ce mal être grandissant. Bonne continuation à vous. 

      • Vendredi 23 Février à 10:08

        Merci pour ce petit mot =)

        En effet décision difficile à prendre, surtout quand on aime notre métier et il faut dire que matériellement ce n'est pas accessible pour tout le monde pareil non plus...

        Je ne sais pas si tu connais ce podcast, une de mes anciennes collègues y a participé : https://avantjetaisprof.com/temoignages/ ça peut peut-être t'aider à continuer ton cheminement...

        Bon courage, j'espère que ton mal-être ne prendra pas trop de place arf

    2
    laure
    Dimanche 25 Février à 04:44

    Je tombe sur votre blog en cherchant des documents sur les transports pour mes élèves de PS. J'enseigne à l'étranger et je mesure la chance de n'avoir que 20 élèves et une asem à plein temps. Je redoute mon retour en France qui sera obligatoire à un moment donné.

    C'est courageux d'être alignée avec ses convictions et d'aller au bout. Je vous souhaite de vous épanouir dans votre "nouvelle vie" plus en adéquation avec votre vie de famille.

      • Dimanche 25 Février à 21:17

        Merci Laure, trop chouette l'étranger ! J'y ai pensé au début de ma carrière suite à un stage à l'étranger en PE2 mais je n'ai pas osé me lancer. Tu es où ?

    3
    Cécilez
    Samedi 2 Mars à 19:39

    Coucou Lau ra,

    contente de te revoir même si c'est pour nous dire au revoir. Je partage beaucoup ton analyse sur notre métier/mission qu'on nous empêche d'exercer correctement alors qu'on paie les pertes des maxi-entreprises.

    Chez nous, il y a fort longtemps que seulement un travaille sur les deux. Nous avons 4 enfants, sommes préoccupés et agissants par les crises écologiques, actifs pour le secours populaire, pour l'accueil des migrants. Mon mari est PAF (lire "père au foyer" depuis 15 ans avec des reprises partielles d'activités rémunérées, mais surtout beaucoup d'engagements associatifs, conseiller municipal de notre tout petit village. Bien sûr qu'on n'a pas la même vie que certains mais nous ne pourrions pas l'envisager avec nos valeurs. Nos enfants devenus grands (24 à 17 ans) nous remercient de leur avoir appris la sobriété et des valeurs tournées vers les autres. Certains sont anxieux bien sûr, mais ils se sentent plus armés devant les défis de leur génération que ceux dont on n'a pas voulu "gâcher l'enfance" en les "préservant". Ils sont eux-mêmes actifs et sont forces de proposition.

    Allez, on se serre les coudes et on ne cultive pas la haine...

    Bises affectueuses

      • Emy
        Lundi 11 Mars à 22:44

        Bonjour Laura, 

         

        Merci de continuer à partager toutes ces ressources et courage pour cette nouvelle voie. Tout le monde devrait apprendre à se choisir oui, vous le dites si bien.. Je me désole que nos enfants perdent des enseignants tels que vous... Mais les enfants que vous gardez doivent être bien préparés à la suite, vos compétences sont donc un peu exploitées, ouf  ;)) 

        Belle semaine à vous et à votre famille et merci encore pour tout ce partage.

         

        Emy

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